MARITIME (DROIT)

MARITIME (DROIT)
MARITIME (DROIT)

Le droit maritime embrasse le droit de la mer et le droit des navires. Transcendant les distinctions traditionnelles, il touche à la fois au droit international et au droit national, au droit public et au droit privé; quand il est droit privé, il est également droit commercial et droit civil; il comporte enfin des éléments de droit pénal et de droit du travail.

Tout engin flottant en mer est-il un navire soumis au droit maritime? La navigation d’un bâtiment de mer sur un fleuve est-elle maritime? Le particularisme du droit maritime, l’originalité de ses institutions ou de ses solutions donnent à ces questions un grand intérêt pratique. Distinguer les bâtiments flottants d’après leurs caractéristiques s’avère difficile. La structure d’un remorqueur de rivière ressemble à celle de son homologue marin. En France, la Cour de cassation a écarté par un arrêt du 13 janvier 1919 le critère qui permettrait de reconnaître le navire selon son aptitude à affronter les périls de la mer. Le navire est le bâtiment flottant qui, en fait, est exposé aux périls d’une navigation en mer.

La solution est la même dans le code tunisien de 1962 alors que le code libanais ne considère que l’aptitude technique du bâtiment et que d’autres codes mélangent les deux critères: retenant l’un et l’autre (l’aptitude et la destination) comme le code grec ou bien admettant plus largement l’un ou l’autre (l’aptitude à la mer ou la destination à (une navigation en mer) comme le code polonais. On conçoit d’ailleurs un critère purement formaliste: ainsi, pour le code malgache de 1965, la qualité de navire résulterait d’une immatriculation administrative comme tel, contrôlée par l’administration.

Quand il s’agit non plus d’un événement isolé, mais du statut du navire, par exemple s’il doit être doté d’un rôle d’équipage ou s’il peut être l’assiette d’une hypothèque maritime ou d’une hypothèque fluviale, la jurisprudence française tient compte de la navigation habituelle effectuée par le navire.

1. L’exploitation commerciale du navire

Affrètement

La loi française du 18 juin 1966 a couronné une évolution marquée timidement ou maladroitement par quelques lois étrangères (codes italien, libanais, tunisien ou loi yougoslave) et complètement ignorée encore par de nombreux codes (espagnol, portugais ou allemand).

En 1808 (date d’entrée en vigueur du code de commerce napoléonien) le contrat d’affrètement se présente comme l’unique manière juridique d’exploiter les navires; conclu entre deux parties également fortes, le fréteur et l’affréteur, ce contrat est soumis à la liberté des conventions. Les règles légales sont supplétives de la volonté des parties.

L’établissement de lignes régulières permit aux armateurs de transporter, sans que leurs usagers y participent, des marchandises diverses appartenant à de nombreux chargeurs; les contrats, dont les clauses en fait sont imposées par les armateurs à leurs clients, s’abritèrent pendant tout un temps sous le même concept. Mais la liberté, justifiée pour les vrais contrats d’affrètement, devenait source d’abus pour les contrats du nouveau genre. Pour ces derniers, le législateur devait intervenir de manière impérative, dans un but de protection sociale.

Le Harter Act (loi américaine de 1893) ouvrit la voie. La convention de Bruxelles de 1924 sur les contrats de transport sous « connaissement » s’en inspira. Il fallait aller plus loin et fondamentalement distinguer les deux types de contrat. Ce fut l’apport propre de la loi française no 420 du 18 juin 1966 et du décret no 1078 du 31 décembre 1966.

Par le contrat d’affrètement, le fréteur s’oblige à mettre à la disposition de l’affréteur, qui en sera l’usager, un navire en bon état de navigabilité. L’objet du contrat est le navire, non la marchandise qu’il porte, et que souvent le fréteur ignore totalement. Son obligation est du type des obligations de moyens et la perte de la marchandise ou son avarie en cours d’exécution du contrat ne prouve rien par elle-même. Il faut d’ailleurs distinguer: le contrat d’affrètement au voyage où la relation à effectuer est définie et la cargaison connue; le contrat à temps (time charter ) où l’affréteur commande au capitaine tous les services qui entrent dans le cadre géographique et les prévisions de la charte; le contrat d’affrètement coque nue où le navire est livré à l’affréteur sans armement ni équipement, de sorte que l’affréteur en a la gestion nautique. Dans chacun des trois types, un écrit est dressé, la charte-partie , qui définit les obligations des deux parties et, entre autres, fixe le fret et les modalités de son paiement.

Transport des marchandises et transport des passagers

Le droit maritime a élaboré une réglementation relative au transport des marchandises. Par le contrat de transport de marchandises , le transporteur s’oblige à déplacer sur une relation définie une marchandise déterminée. Il va la «prendre en charge» et la «livrer» à l’arrivée. Ces expressions ne signifieraient rien dans le contrat d’affrètement. Le transporteur sera automatiquement responsable si la marchandise, à l’arrivée, est livrée en moindre quantité ou en plus mauvais état qu’à la prise en charge. Pour se libérer, le transporteur doit faire la preuve de l’une des causes d’exonération prévues par la loi française de 1966, à l’imitation de la convention de Bruxelles de 1924: faute nautique du capitaine ou de l’équipage, vice propre de la chose, vice caché du navire, incendie, grève ou lock-out... Ces causes sont assez nombreuses et libèrent le transporteur maritime là où un débiteur d’obligation de résultat ne le serait pas suivant le droit commun. Mais ce système est impératif et la convention des parties ne saurait l’améliorer au profit du transporteur (art. 27 et 29). Lorsque sa responsabilité est engagée, le transporteur maritime n’est pas tenu de réparer tout le dommage. Sauf en cas de dol ou si le chargeur a fait une déclaration de valeur, son devoir de réparation ne dépassera pas 3 700 francs par colis ou par unité (francs 1980).

Le transporteur qui prend en charge une marchandise donne un reçu appelé connaissement . Les fonctions de ce titre sont nombreuses: il fait d’abord foi de la prise en charge et, si le connaissement est «embarqué», de la mise à bord. Les connaissements, toujours rédigés sur des imprimés établis par les transporteurs, détaillent au verso les «conditions générales de la compagnie» et, de la sorte, constituent la preuve des clauses du contrat. Enfin, une longue pratique a fait du connaissement un titre représentatif des marchandises qu’il décrit, si bien que la détention du titre équivaut à la possession de la marchandise. Cette pratique, propre au droit maritime, facilite la vente des marchandises en mer et le crédit documentaire.

Dans l’intérêt des tiers (acheteurs et banquiers) mais aussi dans l’intérêt des chargeurs, la loi a reconnu le connaissement comme un titre sûr. Elle a prohibé les clauses par lesquelles le transporteur ruinait la valeur du connaissement (clauses «poids inconnu», «quantité non vérifiée», etc.) et prescrit que le transporteur devait délivrer un connaissement net, sans réserves, sauf s’il n’a pas pu vérifier les indications relatives à l’état et à l’importance de la marchandise que lui a fournies le chargeur.

Les navires peuvent servir au transport des passagers . Jusqu’à la réforme de 1966 qui leur consacre un titre, le droit, en ce domaine, était entièrement d’origine jurisprudentielle. Il était établi que, comme en matière de transport terrestre, le transporteur maritime avait le devoir de transporter le voyageur à destination sain et sauf. Tout accident corporel durant le voyage engageait la présomption de responsabilité du transporteur.

À la suite de la convention de Bruxelles de 1961, la loi de 1966 a retenu une solution plus nuancée et distingue: d’une part les dommages subis par les passagers au cours d’un accident collectif (naufrage, incendie, échouement, etc.), qui sont réparés automatiquement par le transporteur, à moins qu’il ne prouve que le sinistre n’est imputable ni à sa faute, ni à celle de ses préposés; d’autre part l’accident individuel survenu à un passager qui ne rend responsable le transporteur que si le passager établit que ce dernier a mal exécuté les obligations du contrat (art. 37 et 38). S’il est responsable, le transporteur ne doit d’ailleurs par réparer tout le dommage. Sauf en cas de dol ou de faute inexcusable de sa part, il ne sera tenu de payer au maximum qu’une somme de 82 000 francs par passager; cela, quels que soient les demandeurs et à quelque titre qu’ils se placent (art. 40 et 42).

Armement et crédit

En 1808, le capitaine était avant tout l’agent commercial de l’armateur. Ses fonctions de commandement nautique et ses capacités techniques étaient secondaires. Le capitaine engageait l’équipage, concluait les contrats d’affrètement ou de transport, recevait les marchandises à son bord et les livrait à l’arrivée; en cours de route, le cas échéant, il faisait réparer le navire, achetait les voiles de rechange et empruntait pour assurer l’achèvement de l’expédition marchande.

Tout a changé quand les navires de lignes régulières ont touché les mêmes ports. Les armateurs y ont fondé des agences et ce sont les chefs d’agence qui, désormais, se sont chargés de toutes ces opérations commerciales. La loi française du 3 janvier 1969 tient compte de cette nouvelle réalité. Dans les ports que ses navires ne touchent pas fréquemment, l’armateur se contente d’un consignataire qui effectue les opérations jusque-là dévolues aux capitaines.

L’utilisation de la vapeur a fait naître l’industrie du remorquage : remorquage portuaire pour faciliter et hâter les manœuvres des navires dans les bassins; remorquage en haute mer pour assister les navires en danger. Le souci d’éviter des accidents dans les passes ou dans les goulets des ports a incité à poser en règle que les bâtiments devaient y être pilotés. Le pilote lamaneur reste cependant sous les ordres du capitaine et les accidents en cours de pilotage sont à la charge du navire piloté.

Il n’existait, en 1808, aucune garantie conventionnelle sous forme de sûreté réelle mobilière, mais la loi accordait un privilège sur le navire à tous les créanciers qui avaient fait crédit à l’armateur (fournisseurs, réparateurs, prêteurs à la grosse) comme à ceux à qui le navire avait causé un dommage. Ces créanciers devaient exercer sans retard leurs droits car les privilèges cessaient lorsque le navire avait effectué un autre voyage en mer. À chaque voyage, le navire représentait donc une nouvelle source de crédit pour l’armateur. Ce système, bien adapté à une époque de transactions rares, de crédit cher et de voyages longs et nettement espacés, ne l’était plus lorsque se produisit la révolution industrielle et qu’apparurent les lignes régulières.

L’hypothèque maritime , créée en 1874 et complétée en 1885, devait permettre de mieux utiliser le crédit que l’armateur peut tirer d’un bien aussi coûteux que le sont les navires modernes. Elle fut instituée sur le modèle, d’ailleurs amélioré, de l’hypothèque foncière. Mais pour que les prêteurs de crédit hypothécaires fussent rassurés sur la valeur de leur sûreté et pour tenir compte qu’un navire peut être saisi dans un port étranger, il fallait réorganiser le système des privilèges et le faire sur le plan international. Ce fut l’œuvre d’une convention de Bruxelles de 1926, reprise depuis par une convention de 1967. Les règles retenues par le code de commerce français de 1949 figurent aujourd’hui dans la loi no 5 du 3 janvier 1967 et le décret no 967 du 27 octobre 1967. Certaines catégories de privilèges limitativement énumérées par la convention passent avant les hypothèques: créances pour frais de justice, loyers des matelots, indemnités pour abordage ou assistance, contribution aux avaries communes.

2. Droits et devoirs du propriétaire

Le problème de la responsabilité

La responsabilité du propriétaire de navire a traditionnellement été limitée dans le cas où elle se trouve engagée par le fait du capitaine. Pendant des siècles, le propriétaire du navire put cantonner les créanciers, dont les dettes étaient nées des actes du capitaine au cours d’un voyage, au navire qui effectuait ce voyage et au fret qu’il rapportait. C’était l’institution de l’abandon du navire et du fret. Ce système, qui convenait tout à fait à la structure du commerce maritime jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, devenait anachronique à une époque de voyages rapprochés les uns des autres et dont l’exploitation respective ne pouvait plus être isolée pour chacun d’eux.

Une convention de 1924, remplacée par une convention de 1957, a imité les solutions anglaises. Le système tend à gagner les législations de tous les pays. Il est passé dans la loi française de 1967. L’abandon en nature du navire et du fret a disparu, mais le propriétaire de navire n’est toujours pas tenu de réparer tous les dommages lorsque sa responsabilité est engagée du fait du capitaine. Il peut en effet constituer un fonds dont les créanciers (leur droit étant né du chef du capitaine) devront se contenter. Il est établi un fonds pour chaque événement et le montant en est calculé suivant le tonnage du navire: 1 000 francs Poincaré par tonneau de jauge pour les dommages matériels et 2 100 francs Poincaré pour les dommages corporels (le franc Poincaré équivaut à 58,95 mg d’or fin).

Une convention spéciale (Bruxelles, 1962) a institué, pour les navires à propulsion nucléaire, un système de limitation (avec un plafond élevé de 1 milliard et demi de francs Poincaré) venant compenser le principe d’une responsabilité automatique et absolue qui pèse sur l’exploitant des réacteurs. La loi française a adopté un système semblable (loi no 956 du 12 novembre 1965, modifiée par la loi no 1045 du 29 novembre 1968).

Événements de mer

La gravité des sinistres maritimes a suscité des pratiques et des institutions originales. La loi no 645 du 7 juillet 1967 et le décret no 65 du 19 janvier 1968 les ont mises au point pour la France en s’inspirant des règles posées par les conventions internationales de Bruxelles de 1910 sur l’abordage et l’assistance en mer.

En cas d’abordage , les propriétaires de navires ne sont tenus pour responsables que si leur faute est établie. Les abordages fortuits ou dont la cause est douteuse ne donnent pas lieu à réparation. La responsabilité de plein droit, en cas de dommages causés par des choses inanimées, est alors écartée (art. 1384, alinéa 1 du Code civil). Certes, un tel article vaut en matière maritime, puisqu’il a été appliqué, en effet, dans le cas de dommages causés par des navires considérés, dans ce cas, comme choses inanimées, mais il se trouve sans application possible quand les dommages sont dus à un abordage proprement dit, non imputable à responsabilité.

L’assistance en mer des navires en danger est un devoir pour tous les capitaines qui peuvent les secourir utilement et sans danger pour les vies à leur bord. Quand il y a assistance, l’assistant a droit à une indemnisation qui, en fait, atteint des sommes très élevées parce que telle est la tradition, justifiée par les risques de l’opération. Si les parties n’en sont pas équitablement convenues, le tribunal (en pratique, souvent des arbitres) la fixera en tenant compte des divers éléments: succès obtenu, efforts et mérite des assistants, dangers courus, temps employé, valeur du matériel exposé et enfin valeur des choses sauvées.

Les avaries communes sont l’institution la plus ancienne du droit maritime; elles n’existent nulle part ailleurs, ni en droit commun, ni en droit aérien, ni en droit fluvial. Il s’agit des sacrifices ordonnés par le capitaine, seuls moyens pour l’expédition entière d’échapper à un péril pressant. L’exemple le plus ancien en est le jet à la mer de tout ou partie de la cargaison afin d’alléger le navire et de lui permettre de s’abriter dans une rade barrée par des hauts-fonds. Il en est des exemples plus modernes comme le «forcement de vapeur» qui détériore les machines et que le capitaine prescrit néanmoins quand les circonstances l’exigent. Lorsque des frais ou des dommages peuvent être ainsi «bonifiés» en avaries communes, l’ensemble des intérêts engagés dans l’expédition doit contribuer, à proportion de leur valeur, à les payer. Les règlements d’avaries communes, délicats et longs, sont l’affaire de spécialistes, les dispatcheurs .

Assurances maritimes

Premières assurances qui soient apparues sur la scène commerciale, les assurances maritimes ont conservé une certaine originalité. Elles présentent surtout cette particularité d’être très couramment pratiquées par tous les professionnels du commerce maritime: armateurs, chargeurs, transitaires... Les deux grands types en sont l’assurance sur corps , contractée par les armateurs, et l’assurance sur facultés , contractée par les chargeurs ou destinataires ainsi que par les divers intermédiaires (acconiers, consignataires, transitaires, concessionnaires de transport...). À côté de ces deux catégories, les assurances de responsabilité prennent une place croissante; elles sont d’ailleurs partiellement incluses dans les précédentes.

Les unes et les autres suivent le principe commun des assurances; le contrat a une fonction strictement indemnitaire: l’assurance tend à effacer un dommage, elle ne doit pas procurer un enrichissement au bénéficiaire.

À la différence des assurances terrestres, souvent contractées par des non-professionnels, de sorte que le législateur a dû intervenir pour protéger les assurés, les assurances maritimes sont toutes contractées par des commerçants avisés qu’il ne s’agit pas de protéger, mais contre les roueries desquels il faudrait plutôt défendre les assureurs. Ce serait un contresens que d’apprécier les assurances maritimes d’après l’esprit qui, en particulier, règne dans la réglementation des assurances de responsabilité automobile.

En France, la loi no 522 du 3 juillet 1967 et le décret no 64 du 19 janvier 1968 ont évité cet écueil. On comprend alors qu’ils aient exclu de leur champ d’application l’assurance des navires de plaisance qui se présente comme celle des automobiles, et, pour ce motif, a été soumise à la loi terrestre du 13 juillet 1930.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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